A Pablo de Guernica,
Aux partisans,
morts pour la République,
A Manuel Azana,
A vous tous, companeros de la libertad
Au-dessus des vertes vallées
Et des champs mordorés asséchés par l’été
Où le soleil renâcle et tire sa jambe raide
Comme un diable boiteux
La lune pleine diffuse sa curieuse laitance
Comme pour un enfantement
Contraire à son désir
Derrière la lisière opaque des nuées
On perçoit le galop des chevaux de Lorca
Ou la tête assoiffée des taureaux de Goya
Et le parfum musqué des soirées d'Asturies
Le vent n'est plus qu'un souffle et promène à grand train
Le diable et son charroi
Dans les prairies obscures
Où s’acharnent à voler d’archaïques lucanes dans des danses de mort
Qui font signe d'alarme
L’extinction des feux n'est perçue par personne
Pas un « qui-vive? »
Ne vient troubler la nuit dormante
Ignorant ce qu’on voit aux étranges lucarnes
Tandis que la faucheuse affûte son couperet
L’été revêt en douce son festif apparat
Qui se souvient des larmes de ceux qui ont pleuré
Tous leurs amis perdus et leurs frères sans armes
Tombés sous la mitraille avant l'aube levée?
Les pierres seules avouent leur effort de mémoire
D’infimes traces de sang témoignent à ce procès
Seuls quelques dés pipés narguent les reposoirs
Où des prêtres affairés s’ingénient
A écrire une histoire maculée
Maquillée en rideau de fumée
Masquant l'or sacré et le sang des garrots
Que de sombres orpailleurs
En des jardins secrets
Ou dans le labyrinthe de ruelles mentales
S’évertuent à surprendre
Pour les vendre à bas prix ou même les donner
Aux plus pauvres de nous
A quelques survivants
Que leurs sens aiguisés
Auront su préserver
Portant en pendentifs à leurs cous écorchés
L’ineffable secret de toute survivance
A ce monde damné
René Hervieu. 15 août 2008